Mauritanie : deux ans de prison pour le blogueur condamné pour blasphème
Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir échappe à la peine de mort. Il a été condamné ce jeudi, en appel, à deux ans de prison. En première instance il avait été condamné à la peine de mort pour un billet de blog jugé blasphématoire, mais le jugement avait été cassé par la Cour suprême.
La Cour d’appel de Nouadhibou a rendu son verdict en début d’après-midi, ce jeudi : Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir est condamné à deux ans de prison et 60 000 ouguiyas (146 euros) pour avoir publié un billet de blog jugé blasphématoire. Le jeune blogueur Mauritanien, âgé d’une trentaine d’années, était incarcéré depuis janvier 2014, au départ poursuivi pour « apostasie » avant que les charges ne soient requalifiées en « mécréance ».
Dans la salle d’audience, le prononcé du jugement a été accueilli par des cris des partisans de la peine de mort, venus nombreux, et auxquels la cour avait refusé de se constituer partie civile dans ce procès. Des femmes pleuraient à chaudes larmes et des insultes fusaient contre la cour et le gouvernement, accusés par une partie de l’assistance « d’avoir choisi le camp de l’Occident contre celui du prophète », selon des témoins cités par l’Agence France-Presse.
La tension était telle – la ville est quadrillée depuis ce matin par les forces de l’ordre – que les avocats de la défense ont dû être escortés par des policiers pour sortir du tribunal.
« Propos blessants et diffamatoires envers le prophète Mahomet »
Mercredi, dans son réquisitoire le procureur général a requis la peine maximale, estimant que le jeune homme, détenu depuis bientôt quatre ans, « ne saurait être excusé pour ses propos blessants et diffamatoires envers le prophète Mahomet ».
À l’ouverture de son procès, le prévenu, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir, également identifié comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed, a reconnu avoir « décelé dans son article des erreurs, qu’il avait immédiatement corrigées dans un autre article ». Il a également exprimé « tout son repentir et ses excuses » et assuré la cour de sa « foi en Allah et en son prophète ».
Le procureur a affirmé qu’il avait « accusé le prophète d’injustice flagrante, mis en doute l’équité de ses jugements et de ses décisions et que de ce fait, il mérite la peine de mort ».
« Le prophète a bien excusé de son vivant ceux qui lui ont tenu des propos similaires, mais il n’est plus là parmi nous pour accorder sa grâce et nous devons appliquer la sentence extrême contre le fauteur », a-t-il soutenu.
Les avocats de la défense ont demandé à la cour de tenir compte de ses regrets et excuses sincères, d’annuler sa condamnation et de lui accorder des réparations « pour les souffrances qu’il a subies ». La cour d’appel a annoncé qu’elle rendrait son verdict ce 9 novembre.
« Prisonnier d’opinion »
Les organisations de défense des droits de l’homme Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) avait une fois de plus appelé le 7 novembre à la cassation définitive de la condamnation de Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir et à l’abandon des poursuites.
#Mauritania should repeal outrageous death sentence against blogger Mohamed Ould Mkhaitir, charged with “disbelief”https://t.co/s2KmWasMWB pic.twitter.com/qK6UrafRJn
— HRW California (@HRWSoCal) November 7, 2017
Le prévenu est un « prisonnier d’opinion, en détention depuis trois ans uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et s’être élevé contre la discrimination », affirmait Amnesty dans un communiqué.
« Apostasie »
Dans son article, le jeune homme critiquait l’utilisation de la religion pour justifier certaines discriminations dans la société mauritanienne, rappellent les ONG. Devant la cour, Mohamed Ould Mkheitir a dénoncé le traitement dont est selon lui victime sa communauté, les Maalmines, les forgerons, tant au plan social que religieux.
En première instance, il avait été reconnu coupable d’apostasie et condamné à mort le 24 décembre 2014 par la Cour criminelle de Nouadhibou.
Le 21 avril 2016, la cour d’appel de Nouadhibou avait confirmé la peine de mort mais en requalifiant les faits en « mécréance », une accusation moins lourde prenant en compte son repentir, puis renvoyé son dossier devant la Cour suprême, qui avait ordonné en janvier la tenue d’un nouveau procès devant une cour d’appel autrement composée.
La peine capitale n’a plus été appliquée en Mauritanie depuis 1987. Cette affaire est le premier cas de condamnation à mort pour apostasie dans le pays.
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